La Scène

La Scène

Maryline Desbiolles

Language: French

Pages: 59

ISBN: 2:00293341

Format: PDF / Kindle (mobi) / ePub


Il est temps de se mettre à table. Nous avons assez cuisiné, assez réglé les préparatifs, assez tourné autour du pot. Il est temps de lever notre verre et de boire ce léger vin blanc italien. Car c'est en Italie que nous avons appris à monter sur la table à la fin des banquets d'enfance, à y danser et chanter: la table est une scène. Et c'est en Italie que nous avons appris à regarder les tableaux, peut-être bien à regarder tout court, à comprendre dans quelle lumière il est permis de peindre à leur tour toutes les scènes auxquelles nous assistons, à inventer comment jouer sur tous les tableaux, festin, tête à tête, déjeuner de communion, sans jamais perdre de vue le repas ultime, le dîner, la cène que nous trahissons de toutes les manières.

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Sa tenue que c’est le début de l’été, le mois de juin peut-être, il porte un costume blanc ou légèrement crème et un panama assorti, il porte beau, bien qu’il soit trop petit pour cet équipage censé le grandir, mais avec trop d’ostentation, bien qu’avec ses cheveux et moustaches très bruns et son costume très clair il ait plutôt l’air d’un maffieux, bien que sa mise soit outrée, et cette outrance m’émeut, cette naïveté, cette manière d’exposer sa réussite, cette manière d’y croire, et dans ces.

Nous mitraillait de � cou-couche panier », nous, son mari et elle par-dessus le marché, déjà rangés en rond, depuis beau temps, dans le panier à chien, elle mitraillait la nuit qui était douce et sa maison de rêve, de sa petite voix sèche, de sa petite voix morte qui vomissait le pain bénit des comptines, des formulettes, des ritournelles et des refrains, qui insultait notre amour des répétitions, notre amour fou des scènes répétées, à l’envi, sur tous les tons, ce qui les empêche, croyons-nous,.

D’être jamais figées, gelées, et contrairement au marché, contrairement aux affaires, d’être jamais conclues. Sur la route j’allume la radio de ma voiture, et le premier mot qui en sort est : répétition, mot dans lequel, comme il m’est venu par surprise, j’entends le piston qui entraîne toute la machine du langage, et la déploie, pas comme l’affreux crincrin de notre hôtesse destiné à clôturer la soirée, à nous fermer le clapet, non, le piston qui développe le vivant à l’infini. L’infini, il me.

La table tangue sur les eaux tumultueuses et qu’il faut faire attention à ne pas éparpiller tout le sel d’un coup. La table est périlleuse lorsque le banquet est réduit à notre îlot, et qu’il nous revient de porter la fête à son comble, l’intensité du banquet, ses excès, ses ridicules, sa gabegie, ses gestes nombreux, dans tous les sens, sa violence, son ennui, sa bêtise, ses rires, ses rires féroces et la musique qui donne envie de pleurer, tout le banquet contenu dans notre mariage en douce,.

Fois dans une autre vie, ils étaient assis à table chez elle et elle avait proposé de lui faire quelque chose à manger, il avait refusé, ça commençait mal, et à un moment il avait dit : � Je vais t’embrasser » et plusieurs fois encore, quel idiot, est-ce qu’on dit ces choses-là ? il s’était levé, s’était penché vers elle et l’avait embrassée sans avoir rien dans le ventre, quelle tristesse, il n’était pas question d’infini ni même de drap, ou s’il y avait un drap il était bien plié et ressemblait.

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